Au Sénégal, il est devenu courant de constater qu’il y ait plusieurs dates de Korité (Aïd al-Fitr) célébrées par différentes communautés musulmanes. Cette situation, souvent source de confusion, est en réalité un reflet de la diversité des obédiences et des compréhensions de l’Islam dans notre pays. En effet, le pluralisme religieux et doctrinal fait partie intégrante de notre héritage islamique. Il est normal que des divergences existent dans l’interprétation des textes sacrés, car l’Islam, comme d’autres religions, offre une large gamme de pratiques et de compréhensions.
Le problème n’est donc pas cette diversité, mais notre incapacité à en faire un point d’unité dans le respect mutuel. C’est pourquoi il devient crucial d’instaurer un contrat social qui régit notre vivre-ensemble, un contrat où chaque citoyen, indépendamment de sa confession ou de sa vision religieuse, se sente respecté et valorisé.
Ce contrat social doit encourager le dialogue et la concertation, en particulier entre les différentes communautés musulmanes du Sénégal, pour parvenir à des consensus sur les questions sensibles, telles que la date de la Korité, l’organisation des rituels ou la pratique religieuse en général.
Notre laïcité, telle qu’elle est conçue et appliquée actuellement, montre ses limites face à l’hétérogénéité des croyances religieuses au Sénégal. L’État peine à organiser et encadrer les pratiques religieuses de manière harmonieuse, ce qui contribue à l’atomisation des communautés et à une gestion parfois chaotique de la question religieuse. C’est dans ce contexte que l’idée d’un contrat social apparaît comme une solution d’avenir pour encadrer nos différences, les structurer et anticiper les divergences avant qu’elles ne se transforment en conflits ouverts.
En attendant la mise en place de ce contrat social, il serait sage que chacun fasse preuve de tolérance et de respect envers les positions des autres. Il est essentiel que nous acceptions que la tradition prophétique, qui organise le scrutage de la lune pour déterminer le début et la fin du mois de Ramadan, puisse être sujette à différentes interprétations. Ces divergences d’interprétation, loin d’être une source de division, sont tout à fait naturelles, comme le démontre l’histoire du Prophète Muhammad (PSL). En effet, à son époque, les compagnons différaient souvent sur certains aspects de la religion, et le Prophète cautionnait ces divergences tant qu’elles ne remettaient pas en cause l’essence de la foi. L’essentiel, dans ce contexte, reste de prier pour que Dieu accepte notre jeûne et celui de tous les musulmans, sans imposer sa vision à autrui.
La religion étant une affaire personnelle, nul ne doit se sentir contraint à adopter une position religieuse spécifique. Notre rôle, en tant que citoyens musulmans, est de coexister pacifiquement, de nous respecter mutuellement et de nous soutenir dans notre quête de rédemption. Nous ne devons pas permettre aux divergences religieuses de nous diviser, mais plutôt utiliser ces différences comme une opportunité pour renforcer notre cohésion sociale.
En ce mois béni de Ramadan, prions pour que Dieu nous pardonne nos péchés, qu’Il nous accorde Sa miséricorde et nous préserve de l’enfer. Prions également pour que notre pays, le Sénégal, soit plus uni, plus juste, plus prospère, et qu’il soit ancré dans ses valeurs fortes de solidarité et de fraternité. Que ce mois sacré soit une occasion de renforcer notre foi et notre engagement envers la construction d’un Sénégal harmonieux et respectueux des différences religieuses et culturelles.
Amine.
Masse Dieye islamologue chroniqueur
dieyemasseck65@gmail.com