En six mois, près de 42 000 Koweïtiens ont été déchus de leur nationalité, au mépris du droit international. Un phénomène inédit, qui accompagne le virage autoritaire du nouvel émir du Koweït, Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah. Sous couvert de lutte contre la fraude, cette politique frappe aussi bien des citoyens naturalisés que des opposants politiques.
Près de 42 000 ressortissants du Koweït ont été déchus de leur nationalité en six mois. Du jamais vu dans ce pays du Golfe qui connaît un tournant autoritaire depuis l’arrivée sur le trône du nouvel émir Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah fin 2023.
Affirmant qu’il ne laisserait pas la démocratie « détruire l’État », le souverain de 83 ans a décidé de suspendre le Parlement le 10 juin 2024 et a annoncé une révision de la Constitution dans le but de mettre fin aux blocages, qui selon lui paralysent le Koweït depuis des décennies. Plusieurs personnes ayant critiqué cette initiative ont été arrêtées, et des députés ont été poursuivis dans une vague de répression dénoncée par Amnesty international.
La déchéance massive de nationalité observée au Koweït depuis septembre s’inscrit dans cet épisode de dérive autoritaire. La révocation de la nationalité était déjà pratiquée dans ce pays, comme dans d’autres monarchies du Golfe, mais elles se faisaient jusqu’ici au compte-goutte, à la suite de décisions judiciaires, tant contre des opposants politiques que des détenus accusés de terrorisme à Guantanamo. La promulgation en décembre d’un amendement législatif autorisant la déchéance de nationalité pour « ‘turpitude morale ou malhonnêteté’, ou pour des actions visant à menacer la sécurité de l’État, y compris des critiques à l’égard de l’émir ou de figures religieuses », est venu faciliter les choses.
Binationaux et femmes de Koweïtiens
Le 6 mars, pas moins de 464 citoyens ont été déchus de leur nationalité en une seule journée, dont douze personnes accusées de détenir « illégalement » la double nationalité et 451 de « faux et de fraude », rapporte Al-Monitor.
Le Koweït n’autorise pas d’avoir la binationalité. Aussi, lorsqu’ils sont devenus Koweïtiens, certains citoyens ont dû abandonner leur première nationalité au profit de celle de l’émirat. Mais aujourd’hui, ces derniers font partie des personnes ciblées par les mesures de déchéance. C’est le cas notamment des épouses de Koweïtiens. Ces dernières étaient devenues Koweïtiennes et se retrouvent maintenant apatrides. Elles n’ont plus accès aux soins hospitaliers gratuits, ni ne peuvent renouveler l’inscription de leurs enfants à l’école publique.
Les non-Koweïtiens ne peuvent pas avoir accès aux généreuses prestations sociales versées par cette riche pétromonarchie, ni posséder de terres, ou encore détenir la majorité des parts d’une entreprise. D’autres personnes qui ont perdu leur nationalité ont aussi rapporté avoir vu leur permis de conduire invalidés ou ne plus pouvoir accéder à leurs services bancaires.
Face à la consternation suscitée par ces mesures, le gouvernement a tenté de rassurer en décembre sur la situation des épouses naturalisées après mariage, promettant de rétablir leurs pensions et leurs prestations sociales.