L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la loi de ratification de la convention entre le Sénégal et le Maroc portant sur le transfèrement de condamnés.
La convention signée entre le Sénégal et le Maroc est un outil juridique essentiel pour gérer les situations des ressortissants sénégalais détenus au Maroc et vice-versa. Elle se divise en deux parties principales et aborde des questions variées, allant de l’assistance consulaire aux détenus aux conditions de transfèrement des personnes condamnées. Parmi les dispositions clés, on retrouve :
Article 8 : La demande de transfèrement peut être initiée par le condamné lui-même, son représentant légal, l’État de condamnation ou l’État d’exécution. Cette flexibilité permet une meilleure prise en compte des intérêts des parties concernées.
Article 13 : Les frais de transfèrement, y compris l’escorte, sont généralement à la charge de l’État d’exécution, sauf accord contraire entre les deux pays. Cependant, l’État d’exécution peut récupérer une partie de ces frais auprès du condamné.
Article 23 : La convention s’applique sur l’ensemble du territoire des deux pays, garantissant une couverture complète et uniforme.
Cette convention est particulièrement pertinente dans le contexte actuel où plusieurs Sénégalais détenus au Maroc ont exprimé le souhait d’être transférés dans leur pays d’origine. Selon les données disponibles, 38 détenus sénégalais ont officiellement demandé un transfèrement, dont certains purgent des peines allant de 3 à 25 ans.
Ces demandes soulignent l’importance d’un cadre juridique clair et efficace pour gérer ces situations complexes.
Le contexte politique : Le cas Macky Sall
La convention sur le transfèrement des personnes condamnées a récemment suscité des débats animés, notamment en raison des rumeurs concernant l’ancien président sénégalais Macky Sall. Depuis la fin de son mandat, Macky Sall réside au Maroc, un pays avec lequel il entretient des relations étroites.
Cependant, des spéculations ont émergé sur la possibilité de son transfèrement vers le Sénégal, dans le cadre de procédures judiciaires potentielles liées à son mandat.
Bien que ces rumeurs n’aient pas été confirmées, elles ont mis en lumière les implications politiques de la convention. En effet, le texte prévoit que le transfèrement peut être initié par l’État de condamnation ou d’exécution, ce qui ouvre la porte à des scénarios complexes, notamment en cas de divergences politiques entre les deux pays.
Pour l’instant, le Maroc n’a pas fait de déclaration officielle sur cette question, mais le sujet reste sensible, tant pour les autorités sénégalaises que pour l’opinion publique.
La situation des Sénégalais au Maroc
Le Maroc est une destination privilégiée pour de nombreux Sénégalais, qu’ils soient étudiants, commerçants, travailleurs ou pèlerins. La communauté sénégalaise au Maroc est estimée à environ 200 000 personnes, concentrées principalement dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech.
Cependant, cette diaspora est confrontée à des défis majeurs, notamment en ce qui concerne les migrants irréguliers et les détenus.
Le royaume chérifien est souvent perçu comme un pays de transit pour les migrants souhaitant rejoindre l’Europe, notamment l’Espagne. Mais de nombreux Sénégalais se retrouvent bloqués au Maroc, où ils vivent de petits boulots, en attendant une opportunité pour traverser la Méditerranée. En 2024, sur 3 004 Sénégalais rapatriés, 1 115 (soit 37,16 %) venaient du Maroc. En 2025, ce chiffre a atteint 97,8 %, avec 180 retours sur 184.
Ces chiffres témoignent des difficultés rencontrées par les migrants sénégalais au Maroc ainsi que des politiques strictes en matière d’immigration.
Les Sénégalais détenus dans les prisons marocaines
Selon les dernières données, 299 Sénégalais sont actuellement détenus dans les prisons marocaines, principalement pour des infractions liées à l’immigration clandestine, la drogue, l’escroquerie et la fraude. Parmi eux, 38 ont demandé à être transférés au Sénégal pour purger leur peine. Ces demandes soulèvent des questions sur les conditions de détention au Maroc et sur la capacité du Sénégal à réintégrer ces détenus.
Les relations commerciales entre le Sénégal et le Maroc
Au-delà des questions migratoires et judiciaires, les relations entre le Sénégal et le Maroc sont également marquées par une coopération économique dynamique. Les deux pays sont membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), ce qui facilite leurs échanges commerciaux.
Néanmoins, la balance commerciale entre les deux pays est largement déficitaire pour le Sénégal. Entre 2019 et 2023, le déficit est passé de 67 milliards de francs CFA à 104 milliards de francs CFA, avec un taux de couverture moyen de seulement 10,5 %. Les importations sénégalaises en provenance du Maroc ont augmenté régulièrement, atteignant 123 milliards de francs CFA en 2023. Les principaux produits importés incluent des huiles lubrifiantes, des sacs et des médicaments.
En revanche, les exportations sénégalaises vers le Maroc restent modestes, avec une valeur de 19,5 milliards de francs CFA en 2023. Les produits phares sont les conserves de thon et de sardines, qui représentent 53 % des exportations.
Les investissements marocains au Sénégal
Malgré ce déséquilibre commercial, le Maroc est un partenaire économique important pour le Sénégal, notamment grâce aux investissements de ses entreprises dans des secteurs clés comme l’agroalimentaire, la pharmacie, l’énergie et les BTP. Des initiatives comme le Conseil d’affaires maroco-sénégalais et les accords signés lors de la visite du roi Mohammed VI à Dakar en 2013 ont renforcé cette coopération.
Les relations entre le Dakar et le Rabat sont à la fois riches et complexes. La Convention sur l’assistance aux personnes détenues et le transfèrement des personnes condamnées affiche la volonté des deux pays de gérer de manière concertée des questions sensibles.