À l’occasion de la Journée internationale de la Jeunesse, qui se déroule dans un contexte alarmant, Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA) exprime sa profonde inquiétude face à la recrudescence de la migration irrégulière. Ce phénomène tragique qui, en plus de continuer à décimer nos jeunes populations, plongeant des familles et des communautés entières dans le deuil et l’incertitude, constitue également une violation manifeste des droits fondamentaux des jeunes, tels que garantis par les conventions internationales et la législation nationale.
Le Sénégal, pays majoritairement jeune et souvent présenté par la communauté internationale comme un vivier d’espoir, capable de relever les grands défis relatifs au développement compte près de 13,5 millions de personnes âgées de 15 à 35 ans, soit environ 70 % de la population totale.
Cette catégorie démographique, reconnue par l’ensemble des textes internationaux, notamment la Charte Africaine de la Jeunesse, comme étant un vecteur de développement, demeure confrontée à des défis majeurs, parmi lesquels peuvent être cités un taux de chômage avoisinant les 16 % et une situation de sous-emploi chronique. Ces obstacles contribuent à l’exacerbation de la précarité et au désespoir croissant au sein de cette tranche d’âge.
Aujourd’hui, l’extrême pauvreté, les failles du système éducatif, la violence, les inégalités, et les changements environnementaux représentent de véritables menaces et entraves qui affectent profondément la vie des jeunes Africains en général, et Sénégalais en particulier. Selon les données publiées par les autorités espagnoles, entre le 1er janvier 2024 et le 31 juillet 2024, près de 27 640 migrants ont atteint les côtes des îles Canaries à bord de 822 embarcations. Ce chiffre représente une augmentation de 12 % par rapport à la même période de l’année précédente. Ces chiffres effarants reflètent le désespoir croissant de notre jeunesse, qui, face à l’absence de perspectives d’avenir, choisit de braver la mort dans l’espoir d’un meilleur avenir. En outre, ces migrations non sécurisées constituent une violation du Protocole de Palerme relatif à la lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, auquel le Sénégal est partie.
Malgré la gravité de la situation, l’Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA) déplore l’absence de mesures concrètes et efficaces de la part des autorités compétentes. Le désarroi des jeunes, amplifié par un chômage galopant et un système éducatif inadéquat, est un cri de détresse auquel les pouvoirs publics doivent impérativement répondre. Jusqu’à présent, les initiatives prises sont largement insuffisantes et souvent inadaptées aux réalités du terrain. Ce manque de réactivité face à un phénomène croissant semble témoigner d’une indifférence inquiétante.
L’absence d’actions concrètes et efficaces pour remédier aux causes profondes de ce phénomène est un manquement grave aux obligations en matière de protection des droits des jeunes, telles que stipulées par les articles 12 et 20 de la Constitution du Sénégal et les conventions internationales relatives aux droits économiques, sociaux et culturels.
Face à cette situation d’urgence, ADHA formule les recommandations suivantes : Le renforcement des campagnes de sensibilisation : Il est impératif que la société civile, en collaboration avec les pouvoirs publics, intensifie les campagnes de sensibilisation sur les risques liés à la migration irrégulière. L’adoption de politiques publiques ambitieuses : L’État du Sénégal doit urgemment élaborer et mettre en œuvre des politiques publiques conformes aux objectifs de la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES), visant à créer des opportunités d’emploi pour les jeunes, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de l’artisanat, et des technologies de l’information. La réforme du système éducatif : Une révision profonde du système éducatif est nécessaire pour l’adapter aux exigences du marché de l’emploi, avec un accent particulier sur la formation technique et professionnelle, conformément aux engagements pris dans le cadre du Programme d’Action de la Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable (Rio+20).
Le renforcement du rôle du Ministère de la Jeunesse : Ce ministère doit assumer pleinement ses responsabilités en matière de protection et de promotion des droits des jeunes, en renforçant ses directions et services conformément aux orientations du Plan Sénégal Émergent (PSE), afin d’offrir des alternatives viables à la migration. La mise en place de politiques actives d’emploi : Des mesures concrètes doivent être prises pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, notamment à travers des incitations fiscales pour les entreprises qui recrutent des jeunes diplômés, en application des dispositions de la Loi n°2020-06 portant Code des Investissements. Il s’agira de mettre en place des politiques actives d’emploi, avec un accent particulier sur la création d’emplois décents pour les jeunes. Cela inclut le soutien aux initiatives entrepreneuriales et l’encouragement à l’auto-emploi. Un audit de la direction de l’emploi est également nécessaire.
Le réforme de l’enseignement supérieur : Une refonte du secteur de l’enseignement supérieur s’impose pour aligner les cursus offerts sur les besoins du marché du travail, conformément aux orientations de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en matière d’éducation et de formation professionnelle.
Pour conclure, Action pour les Droits Humains et l’Amitié appelle à une mobilisation générale de toutes les forces vives de la nation pour mettre fin à cette hémorragie humaine qui fragilise notre société et hypothèque notre avenir. Nos jeunes ne doivent plus être des proies de choix pour les réseaux de trafiquants. Il est de notre devoir de leur offrir un avenir digne et sécurisé ici, dans leur propre pays.
Dakar, le 11 Aout 2024
- ADAMA MBENGUE
Président Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA)