L’économiste Mor Gassama était l’invité de l’émission le Grand oral sur Rewmi Tv. Il a passé en revue la situation macro-économique du pays dont les opérations de déguerpissement des marchands ambulants, l’exploitation du pétrole ainsi que la reddition des comptes.
Sur les 100 jours du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, beaucoup d’observateurs ont estimé que le bilan restait mitigé. Pour l’économiste Mor Gassama, d’emblée, il faut revenir sur les mesures fortes comme celles prises dans le cadre de la préparation de la campagne agricole et la concertation sur le fonctionnement de la Justice. Pour lui, la où se trouvent les lenteurs, ce sont les nominations. «Des gens qui étaient là depuis 12 ans, on ne peut pas continuer à les conserver, sinon ce sera un problème, vu les cadres et les experts qui sont dans cette coalition. C’est le cas d’un Pca qu’on ne peut pas remplacer. Mais quand on arrive au pouvoir, il n’est pas évident de voir cette réaction rapide mais globalement, on reste optimiste » fait-il savoir.
Des critiques continuent de fuser de partout, notamment malgré les assurances des tenants du pouvoir. Selon l’économiste qui tente d’expliquer ces lenteurs, tout ceci entre dans le cadre de l’apprentissage et de cette peur de commettre des erreurs. Pour lui, les premières nominations restent salutaires bien qu’il existe des erreurs de casting. Et de noter qu’il est en phase mais, reconnaît-il, les procédures restent, toujours, lentes. A ce titre, il a argué qu’il faut accélérer la cadence car, le Président a un mandat de 5 ans et les années passent très vite.
Un retard qui risque d’avoir une incidence sur la marche de la coalition ? L’invité a indiqué qu’il peut, toutefois, constituer un facteur bloquant. « Si les législatives n’interviennent qu’au mois de septembre voire l’année prochaine, s’il faut attendre ce moment pour prendre une décision, on peut se faire du souci. Rappelons-le, il y a des directions rattachées à des ministères et dirigées par des gens de l’ancien régime, ce qui explique les grincements de dents. Et donc, pour avoir des résultats, il faut travailler avec ses hommes de confiance. Il faut un grand coup de balai et c’est le moment d’ailleurs » a-t-il abordé.
Par rapport à la dissolution de l’Assemblée nationale, Mor Gassama a rappelé les différentes phases qui ont marqué la présente législature. Il en veut pour preuve les confrontations qui ont eu lieu à l’hémicycle.
Sur le retard des nominations, comment créer un équilibre? Il faut mettre le pouvoir à la disposition de son leader. Ce qui reste aussi une approche selon l’invité qui explique que si le Président n’a pas la majorité, il peut y avoir des bocages concernant le fonctionnement de son budget ou bien quand il s’agit de procéder à certaines nominations. « On ne peut pas plébisciter quelqu’un et le priver d’une majorité », a-t-il dit.
Déguerpissements: l’économiste demande l’accompagnement ses ambulants
Les opérations de déguerpissement des marchands ambulants ont abouti à des affrontements. Serait-on tenté de faire la jonction avec la politique dans cette affaire? Mor Gassama n’écarte pas ce point mais, il prône la médiation mais aussi des discussions. « Il faut se concerter, car les marchands ambulants se débrouillent et donc il faut un accompagnement. C’est le début d’un long cheminement. Cela montre que le secteur informel est un grand chantier et c’est une partie de notre économie. On a 300 mille jeunes dont les 90% sont dans le secteur informel et seuls 4% sont dans le secteur formel », a révélé Mor Gassama. Dans le même ordre d’idée, cela rejoint cette demande du Premier, ministre Ousmane Sonko, qui oriente ces marchands vers la Der/Fj. Pour lui, il s’agit d’un mécanisme pour des résultats percutants pour l’économie. Pour lui, la Der/Fj a été créée pour accompagner les jeunes pourvue qu’ils aient des projets viables et fiables. Il n’a pas manqué de déplorer la démarche du régime précédent: « partout, les jeunes vous servent la même réponse. Il fallait être membre du parti de la majorité pour espérer avoir un financement. En un mot, il fallait être de l’Apr pour en bénéficier », a regretté Mor Gassama qui aborde la question de la dette due aux opérateurs du secteur de l’agriculture. « Un opérateur qui s’organise pour avoir des semences devrait rentrer dans ses fonds.
Sur la question relative à la dette dans le secteur des Btp avec plus de 309 milliards, l’Etat avait pris l’engagement de l’éponger. Mor Gassama rappelle qu’à l’époque, la situation était tendue. Et donc, il fallait trouver des solutions, car la dette intérieure étouffe le fonctionnement de l’économie. Mais peut-on emprunter pour effacer une dette? « Pou emprunter sur 5 ans ou 10 ans, les délais sont plus courts et le taux d’intérêt reste élevé. La où il faut orienter le débat au lieu de spéculer c’est, pourquoi emprunter sur le court terme et pas sur le long terme? Mais ce que l’on sait, c’est que le prêt est court mais cela dépend de l’intention », s’est-il assuré.
Les débats ont également tourné autour des bourses de sécurité familiales. Fallait-il tout arrêter et procéder à l’évaluation pour en situer la pertinence ? M. Gassama pense que la démarche n’est pas contradictoire. Ce dernier penche plutôt pour une mise à jour de la liste des bénéficiaires pour voir s’il ne s’agissait pas réellement d’une clientèle politique. Pour lui, l’aide sociale ne doit pas servir à entretenir un électorat comme l’ancien régime le faisait mais elle a été initiée pour mieux accompagner les populations dans le cadre des subventions sur les énergies par exemple. Ici, il s’agit d’alléger le coût de l’énergie. Sur les 750 milliards retenus, on s’est rendu compte que 80% des couches aisées avaient tout capté au détriment des 20%, donc, la subvention est ciblée », estime ce dernier.
Au cours de l’émission, l’invité a été interpellé sur les différents rapports ayant épinglé des autorités de l’ancien régime et sur la reddition des comptes. Selon Mor Gassama, il revient à la justice de faire son travail dans ce sens. « il faut s’attendre à des changements opérés dans la justice mais la reddition des comptes est importante. Les audits ne sont pas l’équivalence de la chasse aux sorcières. Mais ce qui reste constant c’est qu’il y a eu l’utilisation injustifiée des deniers publics. L’inspection générale d’Etat (IGE) a été envoyée dans certaines entreprises de l’Etat. Il se trouve qu’on ne peut pas épingler une personne sans un rapport. L’Ige fera un état des lieux. Ceux qui seront épinglés vont apporter des justificatifs », a fait savoir M. Gassama. Privilégier la médiation pénale est aussi pragmatique, car selon lui, il s’agit de l’argent du contribuable. Il rappelle que le but du rapport n’est pas d’envoyer les personnes épinglées en prison.
Réception du premier baril et renégociation des contrats
Récemment, le Sénégal avait exhibé son premier baril de pétrole. D’ailleurs, les premiers fûts sont acheminés vers des raffineries. Le Sénégal est dans l’ère du pétrole. Selon l’économiste, c’est une bonne nouvelle, car cela fait des années que les sénégalais attendent. Ce qui change la donne, car les ressources de l’d’exploitation restent limitées avec 100 mille barils par jour. « Il faut miser sur ce qui sera fait de cette manne financière et les secteurs de base à renforcer sachant que c’est le désert médical en dehors de Dakar. Il faut relever le plateau technique, construire des écoles de formation mais aussi penser aux générations futures et d’avantage préparer le terrain, car la population risque de doubler dans les 25 années à venir. Il faut des infrastructures de grande qualité et de haut niveau », a-t-il plaidé.
L’ancien président Macky Sall, lui, parlait d’une manne financière de 709 milliards par an que nous rapporterait le pétrole. Faudrait-il aller dans le sens de renégocier les contrats en prenant le temps de décortiquer le contenu des contrats ? Les contrat sont-ils à notre avantage? Il est possible, selon Mor Gassama, de chercher à renégocier en mettant en avant la diplomatie. « Ceux qui ont fait de bons contrats le savent. Ceux qui ont réussi à contourner les obstacles et à profiter de la situation en ont tiré profit mais tout en sachant qu’il faut une correction. Il faut éviter les bras de fer mais trouver un consensus au risque de se retrouver au tribunal arbitral de Paris. Ce qui serait risqué aussi, car cela est une perte de temps et d’argent », a souligné ce dernier.
L’économiste a mis en avant aussi cette croissance à deux chiffres brandie avec l’exploitation du pétrole et du gaz.
Et selon lui, il faut insister sur la croissance inclusive avec un impact positif sur la population. D’où l’ambition d’augmenter la production nationale et de créer des emplois mais aussi d’améliorer le niveau de vie des populations rurales et aussi de réussir le défi de la production. A l’en croire, il faut penser à transformer sur place. «Une croissance à deux chiffres c’est l’objectif visé. Cela va se sentir car si on prend le secteur agricole, les importations de riz constituent plus d’un million de tonnes pour 302 milliards. En le boostant, on peut réduire la facture et ce serait bénéfique pour la population. C’est le cas avec le blé où on importe 450 mille tonnes. Même chose pour le maïs aussi. Alors, il faut penser à investir aussi et à créer de l’emploi. Cela va impacter l’économie mais en dynamisant le secteur secondaire. Il faut également penser à l’industrialisation » a-t-il fait remarquer.
Pour le secteur informel, l’invité trouve qu’il faut formaliser une bonne partie avec l’élargissement de l’assiette fiscale.
Par rapport aux politiques de jeunesse mises en branle, Mor Gassama trouve qu’il faut un changement de paradigme pour que les jeunes puissent s’intégrer dans la vie économique . « Il faut un changement dans l’approche et aider les jeunes. Si je rencontre le Président Diomaye Faye, je lui demanderais d’accélérer la cadence en orientant des moyens dans bien des secteurs. Et cela va soutenir les ménages », conclut-il.
MOMAR CISSE