Une partie des habitants de la cité Marine de Derklé ne veut plus de l’imam Abdoulaye Guèye qui a subi une agression le 29 novembre 2023 après la prière de l’aube. Arrêtés suite à la plainte de la victime, Mouhamed Malick Bâ et Ahmed Tidiane Ndiaye ont été jugés hier, par le tribunal des flagrants délits de Dakar pour coups et blessures volontaires, entrave à l’exercice d’un culte et outrage au ministère d’un culte.
Les faits ont eu lieu le 29 novembre 2023, lorsque Abdoulaye Guèye, imam de la mosquée cité Marine de Derklé, a été attaqué après la prière de l’aube. Un incident qui a débouché sur une plainte pour coups et blessures volontaires ayant entraîné 21 jours d’incapacité temporaire de travail, entrave à l’exercice d’un culte et outrage au ministère d’un culte.
Placés sous mandat de dépôt le 13 mai 2024, Mohamed Malick Bâ et Ahmed Tidiane Ndiaye ont été présentés hier, au juge du tribunal des flagrants délits de Dakar. Mais, ils ont contesté avoir exercé des violences sur le religieux. Né en 1977, Mohamed Malick Bâ a expliqué qu’il a été décidé au cours d’une assemblée générale que le plaignant ne dirigera plus les prières. Une décision qu’il a rappelé au concerné le jour des faits. « Je suis juste venu lui demander de ne pas diriger la prière parce que la cité a une comité qui a décidé de ça », a déclaré Mohamed Malick Bâ. Son co-prévenu a, pour sa part, affirmé que la partie civile ne doit pas diriger la prière. Car il n’habite pas à la cité. En plus, il a été une fois attrait en cour d’assise. « On l’a bloqué le jour de l’incident parce qu’on a constaté qu’un jour, en dirigeant la prière, il s’est trompé », a argué Ahmed Tidiane Ndiaye.
Outrée, la présidente de la séance a réprimandé le duo. « Vous êtes tous des musulmans. Si vous ne lui faites plus confiance, vous convoquez une réunion dans le quartier pour désigner une autre personne qui dirigera la prière. Vous n’êtes pas le quartier. Vous ne représentez pas le quartier. Personne ne vous a désigné pour faire la police », a asséné le juge. Prenant la parole, la partie civile a confié qu’il est imam de la mosquée depuis 10 ans. Il n’était pas au courant de l’assemblée générale qui a été organisée par les jeunes du quartier qui lui reprochent une gestion solitaire du lieu de culte. « Le jour des faits, j’ai dirigé la prière du « fajar » (l’aube). Dès que j’ai terminé, Mohamed Malick Bâ m’a surpris par derrière pour me donner des coups, avant de me tordre le cou.
Son coaccusé a, lui, attrapé ma main », a dénoncé imam Guèye. Son avocat a réclamé 1 million de francs pour la réparation de son préjudice. Me Ndiogou Ndiaye a souligné que son client s’est beaucoup investi dans cette mosquée pendant des années. « Il se promène toujours avec le projet de construire une école coranique dans cette mosquée. Le problème ce n’est pas cette mosquée mais, ils pensent que mon client se nourrit de la mosquée alors qu’il est entrepreneur depuis plus de 20 ans. Il y a coups et blessures volontaires. Il faut retenir sa constitution de partie civile et retenir les prévenus dans les liens de la détention », a plaidé Me Ndiaye.
Me Sow : « Le préfet avait demandé à la partie civile de rester chez elle »
À la suite du parquet qui a requis l’application de la loi, les avocats de la défense ont écarté le chef de coups et blessures volontaires. « C’est l’imamat qui pose problème. On avait adressé des lettres au préfet et organisé des assemblées générales. Le préfet avait même demandé à la partie civile de rester chez elle », a fait observer Me Sow qui, par ailleurs, émet des doutes sur le certificat médical. « Les hommes de l’art qui délivrent ces documents, devraient comparaître à la barre pour nous expliquer comment ils les délivrent. Les gens du quartier se sont opposés à ce qu’il dirige la prière parce qu’il faisait des fautes. On ne calme pas la situation en demandant des dommages et intérêts et la condamnation de ces jeunes. Il y a 184 maisons dans ce quartier. Ces lieux de culte ne sont pas des rings. Il faut leur appliquer une peine. Je suis en porte-à-faux avec le certificat médical. Mais, ils ont troublé le lieu de culte.
En ce sens, il faut leur faire une application bienveillante de la loi et débouter la partie civile de sa demande de réparation », a souhaité Me Sow. Rendant sa décision, la présidente de la séance a suivi la défense en retenant la culpabilité des prévenus en ce qui concerne les délits d’entrave à l’exercice d’un culte et d’outrage au ministère d’un culte. Mohamed Malick Bâ et Ahmed Tidiane Ndiaye ont été ainsi condamnés à trois mois assortis du sursis et à payer solidairement un dédommagement de 200.000 francs.
KADY FATY