Des vagues de violence ont provoqué le déplacement de plus de 15.000 Haïtiens en une semaine, alors que les pillages se poursuivent dans le principal port du pays, selon le dernier rapport de l’agence des Nations Unies pour les migrations. Le Conseil de sécurité a fermement condamné lundi les activités criminelles « déstabilisantes » des bandes armées qui ravagent ce pays des Caraïbes.
Les membres du Conseil ont exhorté les gangs armés à « cesser immédiatement leurs actions déstabilisatrices » et ont réitéré l’appel pour que « les auteurs de ces actes odieux soient traduits en justice », selon une déclaration publiée à la suite d’un briefing à huis clos la semaine dernière par la Représentante spéciale du Secrétaire général et cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).
Dans cette déclaration, les 15 membres du Conseil ont réitéré leur ferme condamnation de l’augmentation de la violence, des activités criminelles, des déplacements massifs de civils et des violations des droits humains qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région. Il s’agit notamment d’enlèvements, de violences sexuelles et sexistes, d’exécutions illégales et du recrutement d’enfants par des groupes armés et des réseaux criminels, ont déclaré les membres du Conseil.
Appel à l’arrêt des flux d’armes illicites
Se déclarant gravement préoccupé par les flux illicites d’armes et de munitions vers Haïti, qui demeurent un « facteur clé d’instabilité et de violence », le Conseil de sécurité a appelé les États membres à mettre en œuvre les embargos sur les armes existants.
Les Quinze ont condamné « avec la plus grande fermeté » les attaques menées par des bandes armées contre les principales prisons du pays et d’autres infrastructures essentielles, qui ont permis à des chefs de bande et à d’autres prisonniers de s’échapper, et ont exprimé leur profonde inquiétude face aux menaces inacceptables de violences ciblées contre la police et les membres du gouvernement. Ils ont également exprimé leur attente et leur espoir que la mission multinationale de soutien mandatée par le Conseil, créée à la demande du gouvernement haïtien pour faire face à la crise actuelle, soit déployée « dès que possible ».
La capitale assiégée
La situation sécuritaire chaotique devient de plus en plus dangereuse, selon Philippe Branchat, chef de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations Unies en Haïti. « La capitale [Port-au-Prince] est entourée de groupes armés et de dangers ; c’est une ville en état de siège », a-t-il souligné.
À l’heure actuelle, plus de 160.000 personnes sont déplacées dans la région métropolitaine de Port-au-Prince et l’agence des Nations unies pour les migrations s’inquiètent des conséquences de la flambée de violence provoquée par les gangs qui a débuté fin février. « Les personnes vivant dans la capitale sont enfermées ; elles n’ont nulle part où aller », a-t-il averti.
L’insécurité se propage dans tout le pays
Depuis que la violence des gangs a éclaté le 29 février dans de nombreux quartiers de la capitale, un échange de coups de feu nourri a conduit à deux évasions de prison, libérant environ 4.500 prisonniers et plongeant Port-au-Prince dans une plus grande insécurité.
L’état d’urgence, qui a duré trois jours, a été prolongé jusqu’au 3 avril. Pendant ce temps, le Premier ministre Ariel Henry reste en dehors d’Haïti, à Puerto Rico, après que son avion s’est vu refuser le droit d’atterrir la semaine dernière à l’aéroport national assiégé. Selon les médias, les chefs de gangs ont menacé de déclencher une guerre civile s’il revenait dans la capitale.
Le pic de violence a déjà perturbé les activités économiques dans la capitale, selon OCHA. Toutes les compagnies aériennes commerciales ont suspendu leurs vols vers Port-au-Prince, et la République dominicaine voisine a fermé son espace aérien à tous les vols en provenance et à destination d’Haïti à compter du 5 mars.
La violence vide les camps de déplacés
L’OIM s’inquiète des rapports de violence dans l’Artibonite, des barrages routiers à Cap Haïtien et des pénuries de carburant dans le sud.
« Les Haïtiens sont incapables de mener une vie décente ; ils vivent dans la peur et chaque jour, chaque heure que dure cette situation, le traumatisme s’aggrave », a averti M. Branchat.
Dix sites de déplacement ont été vidés en raison des « vagues successives de violence », laissant les familles déplacées traumatisées, a rapporté l’OIM, alors que les besoins montent en flèche.
« Les besoins urgents comprennent l’accès à la nourriture, aux soins de santé, à l’eau, aux installations d’hygiène et au soutien psychologique », a déclaré l’agence.
Hôpitaux saisis
L’effondrement du système de santé, les attaques des hôpitaux par les groupes armés et le manque de services de santé mentale exacerbent la crise humanitaire, a averti l’OIM. « Certains hôpitaux ont été pris d’assaut par des gangs et ont dû évacuer le personnel et les patients, y compris les nouveau-nés », a déclaré l’agence, ajoutant que les professionnels de la santé à travers la capitale « tirent la sonnette d’alarme » car leur capacité à fournir des soins a été « gravement diminuée ».
Parmi les services de base les plus menacés, il y a un besoin « urgent » de soutien psychosocial, selon l’OIM. Cela est dû à des conditions de plus en plus graves, a déclaré l’agence, soulignant que les personnes sont confrontées à des déplacements successifs couplés à la violence, au viol et à la surpopulation dans les abris. Ces conditions ont exacerbé la détresse psychologique avec une augmentation alarmante des tendances suicidaires parmi les déplacés, a déclaré l’OIM.
Plus de 160.000 personnes sont actuellement déplacées dans la région métropolitaine de Port-au-Prince en Haïti.
Réponse d’urgence
En Haïti, 362.000 personnes – dont plus de la moitié sont des enfants – sont actuellement déplacées à l’intérieur du pays, certaines d’entre elles plusieurs fois, ce qui représente une augmentation de 15 % depuis le début de l’année, selon les agences de l’ONU.
Le manque de biens et de ressources amplifie une situation économique déjà précaire, selon l’OIM, car chaque nouvel emplacement présente de nouveaux défis d’adaptation, tels que l’accès à l’eau et aux services de base. Malgré la situation sécuritaire chaotique dans la capitale, l’OIM et ses partenaires persistent à fournir de l’aide dans les zones où elle est le plus nécessaire.
« L’agence utilise toutes les opportunités disponibles pour fournir de l’aide aux communautés et aux populations déplacées dans différents quartiers et pour maintenir la cohésion sociale nécessaire entre les deux communautés qui font face à des besoins humanitaires similaires », a déclaré l’OIM.