Son nom a été choisi avec intention ! Sahad est le symbole du pouvoir de rassembler et de ranimer les âmes endormies. Son talent est une richesse authentique, avec de multiples nuances et facettes. Sous son vrai nom, Sahad Sarr, il n’a jamais succombé à la tentation de se renommer pour suivre une mode éphémère. Il reste fidèle à lui-même, fier de ses origines et des valeurs transmises dès son jeune âge. Il incarne l’esprit avide de savoir, explorant avec passion une multitude de domaines, en particulier la musique et les arts en général. Et il le démontre à merveille à travers sa musique. Lorsque l’on lui demande de décrire sa musique, il répond qu’elle est kaléidoscopique, un mélange d’influences diverses. Citoyen du monde, Sahad force l’admiration par ses idées influentes. Sa musique vise à briser la vision stéréotypée de la musique en Afrique. Cette vision réductrice est souvent le résultat de la perception que le monde extérieur a de la musique africaine. Courageux dans sa pensée et son inspiration, il est bien plus qu’un artiste, c’est un ami chantant pour son public, cherchant à éveiller les consciences et transmettre des messages importants. Il dévoile tout dans cette interview !
Et si vous vous présentiez à nos lecteurs….
Je suis Sahad, mais en vérité, mon nom complet est Sahad Sarr. Peu importe mon statut d’artiste, je n’ai jamais envisagé de le changer car je crois fermement en l’importance de rester fidèle à soi-même. Pour moi, le choix d’un nom de scène n’est pas anodin. Sahad signifie « récoltes » en sérère ! Cela reflète parfaitement mes origines et mes valeurs en tant qu’être humain et créateur. Enraciné dans une culture riche en traditions et en valeurs, j’ai délibérément choisi de garder mon nom afin de souligner que je suis le produit de tout ce que j’ai appris. En wolof, Sahad se traduit par « résurrection ». C’est pourquoi je suis convaincu que mon futur en tant qu’artiste sera très prometteur.
Vous faites ce qu’on appelle du kaléidoscopique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ma musique est kaléidoscopique, elle est le fruit d’influences multiples. Ces influences proviennent du monde entier, de la diversité des personnes qui habitent notre planète et qui voyagent à travers les cultures et muses. Je me laisse imprégner par la littérature, les arts et la musique locale, mais également par celles d’autres pays. C’est ainsi que je reçois une multitude d’influences musicales, donnant ainsi naissance à une musique kaléidoscopique, qui allie les sonorités afro et jazz. Cette musique est ouverte sur le monde, incorporant des rythmes et des sonorités de différents genres musicaux existants. Je préfère qualifier mon travail de « full fusion », car il incarne véritablement cette musique kaléidoscopique, qui puise son inspiration dans les imaginaires et influences de toutes parts.
La musique de Sahad se démarque de ce que l’on a l’habitude d’entendre, mais qu’est-ce qui fait sa particularité ?
Il est important de comprendre que l’artiste ne fait que refléter son environnement, sa culture et ses identités. En ce qui me concerne, je suis très curieux et j’écoute une grande quantité de musique, avec une connaissance approfondie de la musique et des arts en général. Cela me permet de m’immerger dans différentes cultures et identités qui résonnent en moi, créant ainsi une musique unique et authentique, loin des sentiers battus de la scène musicale sénégalaise.
En dehors du hip-hop, de la musique traditionnelle, le Mbalakh, il existe peu de projets musicaux originaux. Nous choisissons donc de nous aligner sur les artistes qui osent explorer de nouveaux horizons, tout en gardant à l’esprit que notre riche identité culturelle sénégalaise nous permet d’avoir un regard sur le monde entier. Nous puisons ainsi naturellement dans cette vaste culture pour créer une musique unique et singulière qui parle à notre génération et à notre environnement.
Vous dites vouloir déconstruire l’image souvent stéréotypée de la musique africaine et à proposer une vision plus réaliste et équitable à travers votre label musical indépendant. Dites-nous en plus.
La vision stéréotypée de la musique en Afrique est répandue parmi de nombreuses personnes. Cette vision réductrice est souvent le résultat de la perception que le monde extérieur a de la musique africaine. Cela est très éloigné de la réalité, car il existe en Afrique une grande variété de genres musicaux différents, qui sont tout aussi valables et significatifs les uns que les autres. Les artistes africains ont également pour objectif de faire connaître leur musique sur le marché international, notamment en Europe.
Cependant, il est déplorable de constater que la musique vendue en Europe ne représente qu’une petite partie de la richesse et de la diversité de la musique africaine. Beaucoup ne considèrent que les genres musicaux qui correspondent à leurs attentes, ce qui entraîne une représentation erronée de la musique africaine dans le monde. En réalité, la musique africaine est bien plus large et plus vaste que ce que l’on peut voir ou entendre en Europe. Il est temps que cette situation change. Les artistes africains ont la responsabilité de montrer une image plus authentique et plus complète de leur musique, qui reflète la véritable essence et la diversité culturelle de l’Afrique. Ensemble, nous devons veiller à ce que la perception stéréotypée de la musique africaine cesse et que sa véritable valeur soit reconnue à sa juste mesure.
En 2022, votre album « Luuma » a touché les mélomanes du monde entier avec son message profond. Pourquoi pensez-vous que cette approche différente du monde est si significative ?
Mon album a été nominé parmi l’un des meilleurs albums d’Afrique francophone en 2022, aux côtés d’artistes renommés tels que Tiken jah Fakoly et Oumou Sangharé. En tant qu’artiste, il est primordial de véhiculer un message, de s’engager, de partager et d’enseigner à travers notre musique. Sans un message profond, la musique n’a aucun sens pour moi. Elle est destinée à éveiller, à éclairer et à exprimer un point de vue. Ainsi, « Luuma », qui signifie « marché hebdomadaire » au Sénégal, symbolise la place de chacun dans ce marché où les individus proposent, achètent et vendent.
À travers ma musique, je souhaite montrer que l’Afrique a beaucoup à offrir et qu’il ne revient pas à l’Occident de nous dicter ce que nous devons proposer. Nous sommes des acteurs sur le marché mondial et non simplement des consommateurs. Il est essentiel que l’Afrique établisse ses propres règles. Le terme « Luuma » représente également cette forme d’organisation qui est souvent perçue comme informelle par l’Occident, alors qu’elle est en réalité très structurée. Il est important d’enseigner ces nouvelles méthodes à ceux qui viennent de l’extérieur afin qu’ils comprennent notre culture. Je suis heureux que mon album ait reçu une telle reconnaissance internationale, car pour moi, il était crucial de transmettre ce message à travers la musique, les sonorités et l’imagerie pour que chacun puisse s’identifier.
En tant qu’artiste, croyez-vous au pouvoir de la musique d’éveiller les esprits ?
La musique est un art puissant qui a le pouvoir d’éveiller les esprits. Si elle n’atteint pas cet objectif, elle perd tout son sens. Peu importe notre religion, notre statut social, nous sommes tous des êtres humains et tous, sans exception, nous écoutons de la musique. Qu’il s’agisse de matinée ou de fin de journée, la musique rythme nos journées.
Et même dans notre environnement, la musique est omniprésente avec ses sons et ses mélodies. Elle a un pouvoir exceptionnel qui touche les âmes, les personnes et les choses de manière extraordinaire. La musique est dotée d’un pouvoir incroyable car elle renferme des sons, des rythmes qui peuvent transmettre à la fois de la tristesse et éveiller les gens.
Votre avis sur la politique culturelle du Sénégal ?
Le Sénégal est un pays incontournable, en particulier la ville de Dakar, où tout le monde veut se rendre. La richesse de ce pays se reflète dans sa diversité culturelle sans pareil. Cependant, la politique culturelle actuelle doit être revue. Malgré la présence de nombreux centres culturels, ces derniers ne sont pas suffisamment équipés ni bien organisés. De plus, la majorité de la population sénégalaise est composée de jeunes, plus de 70%, qui aspirent à explorer de nouveaux horizons en matière de culture, de musique et d’art en général, mais qui se retrouvent souvent limités par des moyens financiers insuffisants. Il est déplorable de constater que les ressources allouées à la politique culturelle proviennent principalement d’ONG et d’ambassades étrangères, au détriment des organisations locales. Par exemple, l’Institut français de Dakar offre des équipements de qualité pour la musique, tandis que nos propres centres culturels tels que Blaise Senghor et Douta Seck sont en deçà de ces standards. Nous devons redoubler d’efforts pour promouvoir nos centres culturels régionaux et garantir que la jeunesse ait accès à tous les moyens nécessaires pour exprimer son art. Le Sénégal possède de nombreux artistes talentueux, mais la politique culturelle doit être mieux définie afin de réduire les inégalités et offrir à tous les mêmes chances d’avoir accès à un studio de musique ou à des moyens de production.
ANNA THIAW