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Loi d’Amnistie : Une victoire d’étape pour Macky Sall

Examiné hier en commission, le projet de loi d’amnistie initié par le président Macky Sall, passe ce 6 mars 2024 en séance plénière à la l’Assemblée nationale où il sera soumis au vote des députés. En rappel, le projet de loi d’amnistie en question concerne « les faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024 », pour reprendre les propos du président de la République. Le moins que l’on puisse dire, c’est que sauf tremblement de terre de forte magnitude ou autre cataclysme, cette loi passera comme lettre à la poste. On est d’autant plus porté à le croire que dans le contexte actuel de crise consécutive au report de la présidentielle dans les conditions que l’on sait, la coalition Benno Bokk Yaakar au pouvoir qui domine déjà l’Assemblée nationale, bénéficie pour la circonstance, du soutien d’autres partis ; en l’occurrence le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade qui ne désespère pas de voir son candidat remis dans la course à la magistrature suprême, à la faveur des conclusions du dialogue national initié par le chef de l’Etat. Et pourquoi pas le parti d’Ousmane Sonko qui pourrait aussi en tirer des dividendes ?

Toujours est-il que si l’un des objectifs du chef de l’Etat, en repoussant l’élection présidentielle, était de travailler à couvrir peu ou prou ses arrières en faisant passer une telle loi d’amnistie, cela constitue déjà une victoire d’étape pour Macky Sall, en attendant que le Conseil constitutionnel puisse se prononcer sur la question. Mais pour autant, cela sortira-t-il le Sénégal de la crise ? Rien n’est moins sûr. Car, au-delà de la volonté d’apaisement mise en avant par le gouvernement pour justifier l’adoption du projet de loi soumis à l’examen des députés, il faut aussi voir les conséquences des troubles de cette période de braise en termes de morts, d’arrestations et autres dégradations de biens publics et privés, pour mesurer la portée de cette loi d’amnistie visant à absoudre les éventuels auteurs de leurs crimes.

Et les Sénégalais restent d’autant plus divisés sur la question que selon que l’on se situe dans le camp des potentiels bénéficiaires de la mesure de grâce ou dans celui des parents des victimes de ces violences politiques, on ne peut pas avoir la même lecture de l’opportunité d’une telle loi. Qui plus est, qui intervient à ce moment précis de l’histoire du Sénégal, où le président Macky Sall est au crépuscule de son règne. Et cela a d’autant plus quelque chose de gênant que ce geste d’absolution présidentielle paraît calculé à l’effet de servir des intérêts partisans. C’est pourquoi, quelle que soit la noblesse des intentions du chef de l’Etat sénégalais, cette loi d’amnistie soumise au pas de course à l’examen des élus du peuple, restera toujours un sujet de débat si elle doit jurer avec le principe de la redevabilité et de la reddition des comptes. C’est dire si au-delà du Sénégal, nos hommes politiques doivent aussi apprendre à s’assumer.

Autrement, si tous les régimes devaient en faire autant, la tentation de faire dans l’excès serait grande si l’on sait que l’on peut se couvrir a posteriori les arrières par une loi d’amnistie.

 Le président Macky Sall est dans des calculs en abattant ses dernières cartes

C’est pourquoi, après l’étape de l’Assemblée nationale, la décision du Conseil constitutionnel sera très attendue. Et l’on est impatient de voir dans quel sens penchera la balance des grands « Sages » qui ont été saisis en amont par des candidats à la présidentielle, d’un recours contre la démarche du chef de l’Etat accusé de faire dans le « dilatoire » en tardant à fixer la date de l’élection.

Et qui auront aussi à se prononcer en aval sur les conclusions du dialogue national que le président de la République compte soumettre à leur approbation. En tout état de cause, à quelques encablures de la fin de son règne, tout porte à croire que le président Macky Sall est dans des calculs en abattant ses dernières cartes, dans sa volonté de rester le maître du jeu jusqu’au bout. Réussira-t-il à garder la main sur le processus électoral et à se maintenir dans le jeu jusqu’au passage de témoin à son successeur ? Ou bien sera-t-il contraint de larguer les amarres à l’échéance du 2 avril prochain qui marque constitutionnellement la fin de son second mandat ?

La réponse à ces questions est sans doute entre les mains du Conseil constitutionnel. Et c’est peu dire que c’est tout un peuple qui sera à présent suspendu…à sa décision.


Source: Le Pays 

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