Les chauffeurs de camion d’Afrique australe qui ont été recrutés pour trafiquer ou faire passer illégalement des personnes apprennent les risques encourus grâce à l’agence des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’ONUDC.
« Je transportais du sucre depuis le Malawi », a raconté un chauffeur anonyme, arrêté pour trafic de migrants. « En 2016, j’ai dû attendre plusieurs jours à un poste frontière en Tanzanie pour des contrôles douaniers. J’ai été approché par un homme qui m’a proposé beaucoup d’argent pour transporter des chèvres ». Son histoire n’est pas unique.
Le Malawi est situé au carrefour de plusieurs flux importants de personnes fuyant les conflits, l’instabilité et la pauvreté en Afrique centrale et dans la Corne de l’Afrique. De tels mouvements offrent des opportunités lucratives aux passeurs et aux trafiquants ainsi qu’aux 5.000 chauffeurs routiers internationaux enregistrés au Malawi.
Le chauffeur qui a raconté son histoire a déclaré qu’il avait été payé à l’avance et que l’homme qui lui avait proposé le marché avait pris des photos de lui et de son camion. Le chauffeur a ensuite dépensé une partie de l’argent et en a envoyé une autre à sa femme. « Le jour où je devais partir, l’homme m’a dit que les « chèvres » étaient en réalité 30 migrants illégaux venus d’Éthiopie », a-t-il déclaré. « Ils avaient l’air très malades, fatigués et mal nourris. Il a dit que je devais les emmener dans un endroit au Malawi proche d’un grand camp de réfugiés ».
Menaces des passeurs
Lorsque le chauffeur a tenté de protester, le passeur a réclamé son argent et a menacé de prendre le camion et de partager des photos de lui avec les autorités. « C’est comme ça que tout a commencé et c’est vite devenu mon activité principale », a-t-il dit. « L’homme me payait beaucoup d’argent et m’escortait dans une petite voiture, afin de pouvoir soudoyer des policiers et des agents d’immigration corrompus en cours de route ».
Selon le conducteur, il ne savait pas au départ que ce qu’il faisait était illégal. Puis, en 2019, il a été arrêté au Mozambique alors qu’il transportait 72 migrants du Malawi et de la République démocratique du Congo (RDC). « Maintenant, je suis malade, au chômage et divorcé», a déclaré le chauffeur.
Risques liés au trafic
Les chauffeurs de camion basés au Malawi découvrent désormais les risques liés au transport de migrants et de victimes de la traite, grâce à un programme soutenu par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Les cours, qui ont débuté en février, s’avèrent déjà être un succès.
Feckson Chimodzi, un chauffeur de camion qui transporte des produits agricoles depuis des pays d’Afrique australe vers le Malawi a également participé au cours. Selon lui, les chauffeurs qui travaillent avec des contrebandiers et des trafiquants le font souvent « par nécessité » pour compléter leurs bas salaires. « Nos employeurs doivent améliorer nos conditions de travail et nous donner une formation complète sur les dangers d’être impliqués dans ces crimes », a déclaré M. Chimodzi.
Des sanctions sévères
Les criminels qui font passer clandestinement ou trafiquent des êtres humains à l’intérieur d’un pays ou au-delà des frontières utilisent tous les itinéraires et modes de transport possibles pour transférer des personnes à des fins de profit et d’exploitation.
S’ils sont appréhendés par les autorités, les chauffeurs de camion sont généralement arrêtés et emprisonnés, a expliqué Maxwell Matewere, chargé de projet national sur la traite des personnes à l’ONUDC. « Il y a un manque de compréhension de la traite des êtres humains et du trafic de migrants dans la région, et la rémunération pour le transport illégal de personnes est bien plus élevée que le salaire du chauffeur de camion habituel », a déclaré M. Matewere, qui dispense la formation.
« La plupart des conducteurs savent que ce qu’ils font est illégal, mais on leur dit que lorsqu’ils traversent les frontières, des fonctionnaires corrompus les laisseront passer », a-t-il ajouté. « Alors, ils prennent l’argent et le risque ».