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Interview avec KADER PICHININI: A l’écoute d’une symphonie théâtralement pédagogique
Interview avec KADER PICHININI: A l’écoute d’une symphonie théâtralement pédagogique

Interview avec KADER PICHININI: A l’écoute d’une symphonie théâtralement pédagogique

De votre invité people, le prénom, du moins le surnom est label. Et pour cause, nombreux ont été qui, s’ils n’ont regardé son one-man-show, ont fredonné guillerettement son pichinini… Kader, pour ne pas le nommer ou ne pas rire de sa moustache qui semble s’inviter en intrus sur son faciès, aura marqué la comédie sénégalaise. Pour autant, à ne rire que de son spectacle, on raterait à s’inspirer de ses idées novatrices sur le théâtre, dont il a une conception presque aristotélicienne. En effet, Kader ne l’appréhende que sous sa fonction didactique pour une éducation des masses dans un monde qui part en vrille. Voix autorisée du sérail théâtral sénégalais, Kader est une voie qu’il suit depuis jeune et que beaucoup de jeunes gagneraient à suivre pour ne pas se perdre dans le bling bling du voyez-moi. Tiaapaniaaama pichinimiko… Avec Kader pour la souvenance d’un son et l’écoute d’une voix gosse de maturité

Quel est votre parcours artistique ?

Je m’appelle Abdel Kader Diarra, je suis sorti du Conservatoire national de Dakar en 1997. J’ai commencé à l’école avec les journées du parrain et à faire du théâtre au Cem David Diop, je devais avoir à l’époque entre 11 ou 12 ans. Avec ma promotion, nous avons été partout dans le monde où il y avait des festivals francophones. Notre compagnie s’appelait les 7 cousses.

Par la suite, je me suis initié à la pédagogie, à former et devenir metteur en scène. J’ai d’ailleurs remporté des prix de meilleure mise en scène pendant au moins 5 ans. Je suis le premier au Sénégal à avoir fait un one-man-show, c’était en 2000. C’est ensuite que j’ai sorti mon fameux son Pichinini et c’est de là que vient mon surnom d’artiste. Avec des amis, nous avons créé l’Académie de théâtre Macodou Mbengue de Dakar dont j’étais le directeur. Aujourd’hui, j’ai une vingtaine de mises en scène, formé une cinquantaine de jeunes, j’enseigne également à l’Ecole nationale des arts et des métiers de la culture et je suis coordonnateur national du Comité national de relance du théâtre au Sénégal, entre autres fonctions….

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Pourquoi cette voie comique ?

Je suis un comédien professionnel, je peux m’essayer à la tragédie et à la comédie. Je suis plutôt connu dans la comédie et les gens pensent que je ne suis pas tragédien. Je suis autant à l’aise dans la tragédie que dans la comédie, l’humour, la farce ou autres. Pour l’aspect comique, il n’y en avait pas avant qui en faisait en français et j’ai voulu sortir du lot en le faisant ici au Sénégal. Un soir, lors d’une tournée à Grand-Bassam (Côte-d’Ivoire) il y a eu une compétition de coupe d’Afrique du rire, j’ai représenté le Sénégal et je l’ai remportée. C’est depuis ce jour que j’ai pris goût au rire, au stand-up.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

Le fait de faire plaisir au public. Cela fait plaisir de faire plaisir aux gens (rire). J’aime faire plaisir, donner du baume au cœur aux populations, les déstresser, jouer ma partition. Je dirai que ma mission, c’est de faire du bien aux gens en leur faisant plaisir.

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Kader a-t-il des interdits, des rôles qu’il n’interprètera jamais ?

Oui ! Je m’interdis d’interpréter tout ce que ma culture ne veut pas. Je suis un éducateur, une référence pour les jeunes, je ne dois pas fléchir dans mon art. Je n’accepte pas tout parce que le Sénégal n’accepte pas tout.

Quelle est l’actualité du théâtre au Sénégal ?

Le théâtre était il y a longtemps en léthargie, dans le coma, mais actuellement, il commence à « bouillir » à nouveau car les jeunes ont commencé à faire beaucoup de productions théâtrales au Sénégal et c’est à saluer. L’état des lieux est assez satisfaisant et nous sommes sur la bonne voie. Le Théâtre national Daniel Sorano est en train de recruter, une bonne chose je trouve. Au Centre culturel Blaise Senghor par exemple, il y a eu cette année, au moins 18 spectacles toutes catégories confondues.

Au Fesnac, nous avons vu le niveau se relever. Pour autant, je pense que les gens devraient aller se faire former (se frotter aux grands noms du théâtre, aller dans des ateliers, stages, initiations, workshop), car c’est important surtout quand on veut en faire son métier. Dans tout ce que l’on fait, si l’on n’a pas la formation ou encore la technique, on ne durera pas.

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D’ailleurs, quelle pourrait être son apport dans l’éducation des masses dans ce contexte de perversion mondialisé ?

En Afrique, au Sénégal particulièrement, le théâtre était fait pour la sensibilisation, l’éducation, il ne s’agissait pas juste de divertir les gens. Nous faisions passer la morale, la discipline dans le théâtre. Mais aujourd’hui dans ce contexte le théâtre a sa partition à jouer. Les gens prennent ce que font le théâtre comme des icônes et modèles et rien que pour ça, le théâtre pourrait jouer un grand rôle pour l’éducation des masses. Tout est question de culture aussi, en Europe par exemple, le théâtre c’est autre chose.

Aujourd’hui, quand on parle de théâtre, on pense à Darray kocc, Diamonoy Tay, mais il faut savoir que tout ça, c’était de l’audiovisuel, du téléfilm et non du théâtre.

Vous qui avez joué dans plusieurs séries, comment trouvez-vous l’environnement cinématographique sénégalais ?

L’environnement cinématographique au Sénégal est assez bien, puisque qu’avant, nous n’avions pas un grand cinéma. Il n’y avait pas l’audiovisuel qui, aujourd’hui, embauche autant de jeunes. Il est en bonne santé, d’autant plus qu’il est déjà arrivé qu’une maison de production audiovisuelle se retrouve avec au moins 5 000 personnes lors d’un casting, un autre casting d’une autre maison de production audiovisuelle fait sur WhatsApp a eu au moins 9 000 à 10 000 personnes. I

l y a un engouement de ces jeunes-là vers le cinéma sénégalais et je pense que l’Etat du Sénégal devrait regarder vers ces gens-là qui veulent faire du cinéma pour le développer. Bien que tout le monde ne soit pas fait pour être acteur. Il nous faudrait essayer d’orienter les gens dans des métiers techniques du cinéma pour qu’on puisse se développer, avoir votre Senewood, pourquoi pas ? Il y a quelques années, nous avions les Novelas et là maintenant, nous avons nos propres séries et c’est très bien pour le climat social, l’emploi de jeunes. Et vous l’aurez vous-même constaté, nous sommes maintenant en train de gagner des prix un peu partout dans le monde.

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Ne trouvez-vous pas que nos séries manquent parfois d’originalité ?

Je dirais plutôt qu’il y a de l’originalité dans nos séries. Nous en sommes au début et c’est normal que nous cherchions encore notre chemin. L’originalité c’est peut-être un jour qu’on puisse faire de l’audiovisuel épique, des séries sur l’histoire du Sénégal, nos résistants, nos hommes religieux….

Après, il faut savoir que c’est très coûteux de faire des séries d’histoires. Ce serait très original d’avoir ce genre de séries, ne serait-ce que pour vendre la destination Sénégal. J‘ajouterai aussi qu’il faudra former beaucoup de scénaristes pour qu’on ait de l’originalité. Il y en a qui ont beaucoup d’idées, mais qui ne savent malheureusement pas écrire de scénarii.

Que pensez-vous de la politique culturelle du Sénégal ?
Il reste beaucoup à faire ! Il faudra, dans un premier temps, essayer de réorganiser la culture. Voyez-vous, le théâtre, la danse sont laissés en rade par rapport à d’autres. Le théâtre est subventionné partout dans le monde, au Sénégal, il n’est pas vraiment accompagné. Nous réclamons un fonds à lui dédié. Il faudrait aussi accompagner les formations, les créations. Il faudrait que cette politique culturelle essaye de voir par rapport à chaque art sa spécificité pour pouvoir le développer. Je ne vois pas encore cette politique culturelle. Je ne suis pas encore satisfait, la culture nécessite beaucoup de moyens, les résultats ne sont pas palpables encore moins pécuniaires, mais plutôt touristiques, sociaux….

Un mot sur la question de l’immigration irrégulière…

Quand c’est irrégulier, personne n’aime ! Il faudrait une bonne politique pour retenir les jeunes. Toute l’Afrique devrait s’unir pour le faire. Ça fait mal au cœur de voir nos jeunes mourir en mer, c’est écœurant. Ceux qui partent à l’aventure, je pense que dans leurs têtes, ils se considèrent déjà morts, ceux qui ont réussi la traversée leur font miroiter l’eldorado. Il faut que ça s’arrête et surtout revoir la politique de l’employabilité des jeunes. Si on y parvient, beaucoup d’emplois se créeront et les jeunes resteront.

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Des projets en vue ?
Avec mes étudiants de quatrième année, nous avons formé une compagnie que nous avons nommée Kankourang et qui a fait sa première pièce qui s’appelle « Diangual », que nous sommes en train de traduire en anglais. L’idée c’est de professionnaliser ces jeunes afin qu’ils puissent vivre de leur art, aller à des festivals, faire des tournées. Après une création, il faut une diffusion.


ANNA THIAW

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