Celle qui veut réhabiliter le son sur l’image. Pour être pionnière, il faut challenger l’existant. Et cela, l’invité de votre page people sait faire. Enfante d’intérieur, elle s’est évadée via le verbe et le son, pour dire par la lecture et la musique. Aussi n’est-ce point étonnant que devenue adulte qu’elle est adulée pour sa maîtrise du son. Première femme beatmaker, Myamy a l’oreille mélomane et défend farouchement son domaine. Lisez son entretien avec Rewmi pour en savoir un peu plus
Présentez-vous à nos lecteurs !
Je suis Aminata plus connue sous le nom de Myamy ou Myamy TheAyGirl. Je suis Artiste Beatmaker, technicienne du son et formatrice MAO (Musique Assistée par Ordinateur).
Des études au « beatmaking », comment s’est fait le pont ?
J’ai toujours aimé faire de la musique. Disons que c’était une de mes échappatoires, comme l’ont été le dessin et la lecture durant mon enfance. Au lycée par exemple, je montrais timidement mon intérêt au chant en participant aux activités culturelles de notre club anglais. C’est en année de Bac que j’ai eu ma première expérience en studio avec mon groupe de quartier Younh Fresh Th City. Et tout cela en cachette ! A l’université mon intérêt pour la musique s’est amplifié avec surtout ma rencontre avec Aliwu (Dooba) qui avait son studio au campus. Il m’a fait prendre conscience que j’avais du potentiel et que je devrais m’intéresser au Beatmaking. Je voulais aussi être capable de faire mes propres chansons, étant donné que les styles de musique que je voulais faire, peu de beatmakers s’y intéressaient : RnB, Pop RnB, Soulful, Balade etc. C’est là que j’ai eu l’occasion de participer à au programme « Hip Hop Academy » de l’association Africul turban à Pikine/Dakar durant les vacances de ma seconde année de fac en 2014 et j’ ai été initiée au beatmaking par Ciré Dia.
Ma décision de me lancer a été prise quand j’ai pris conscience que les études ne m’assureront pas « l’ avenir meilleur » auquel j’aspirais. Les grèves à n’en plus finir, m’ont fait arrêter les études en première année de Master en Sciences du Langage de l’UFR CRAC. Par la suite, je suis revenue m’installer à Dakar et j’ai commencé à chercher des formations en son pour mieux approfondir mes connaissances. J’ai bénéficié d’une formation en musique avec Synapse Center et La Factory en 2018, en Technique de son studio et spectacle grâce au Goethe-Institut en 2019 et 2021. Aujourd’hui faire du son est devenu mon travail.
Issue d’une famille très conservatrice, vous a-t-il été facile de vous lancer ?
Plus ou moins ! Il y en a qui m’ont apporté leur soutien et d’autres qui se sont montrés sceptiques, sans pour autant être désagréables.
Une femme beatmaker, ça ne court pas les rues au Sénégal. Pas difficile de s’imposer dans ce milieu mâle ?
Pour mon cas, ça ne l’a pas été. Avant même d’embrasser le beatmaking, j’étais déjà connue dans le milieu. Le Beatmaking est juste devenu un métier pour moi dans ce domaine que je fréquentais déjà depuis 2010 via mon artiste préféré Canabasse. Et professionnellement parlant, je n’ai pas eu de grandes difficultés à avoir de la crédibilité dans ce secteur car j’ai eu à prouver mes compétences en sortant, en 2017, l’une des premières Beat Tape au Sénégal : ÑambaanTape Th BeaTape, un projet de 10 prod disponible sur les plateformes de streaming.
Qu’est-ce qui fait la particularité de Myamy ?
Faut savoir je suis la pionnière du Beatmaking Féminin au Sénégal et la seule active jusqu’aux dernières nouvelles. Artistiquement, j’apporte une touche très mélodique à mes compositions, c’est sûrement dû à ma sensibilité, je suis mélodieuse tantôt je peux être mélancolique et sombre. Professionnelle, je fais partie des rares acteurs de la Musique urbaine qui dispense régulièrement des cours aux jeunes un peu partout au Sénégal.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Je m’inspire de la vie! Donner sens à ma vie par les bénédictions qu’Allah me fait.
Devient beatmaker qui veut ?
Il y a beaucoup de paramètres ! La technologie apporte certes un vrai coup de pouce à la création, mais il ne suffit vraiment pas d’avoir tout un set up pour faire de la musique. Pour ce faire, il faut travailler sa musicalité, ses compétences techniques et artistiques et cela nécessite souvent d’avoir la musique en soi pour prétendre le matérialiser dans un logiciel. N’empêche, Dégg-Daaj (oreille musicale) soit on l’a soit on l’a pas.
Myamy dispense aussi des formations à des jeunes, mais après cette étape, y a-t-il vraiment un suivi derrière ?
Depuis quelques années, je dispense des formations en Beatmaking à Dakar et dans les régions. Et avec ma structure Njégem’Art GROUP j’apporte ma contribution à la campagne de formalisation des structures dans les Industries Culturelles et Créatives au Sénégal.. Honnêtement, offrir des formations dans ce contexte où dans la culture tout se donne gratuitement est une entreprise pas du tout évidente car il faudra une certaine ressource humaine, financière, et logistique pour assurer le suivi. J’ai débuté en offrant les sessions gratuitement et cette année la solution de proposer des Masterclasses est exécutée pour permettre à mes bénéficiaires d’avoir des renforcements de capacités. Je travaille dur pour leur proposer le meilleur des services et cela va commencer par trouver un local où ils pourraient nous retrouver.
Une lecture de la musique urbaine…
Je trouve que nous avons comme toujours tout ce qu’il nous faut pour écrire une belle page dans l’histoire de la musique sénégalaise. Le niveau artistique est vraiment au rendez-vous. Malheureusement la chaîne de valeur n’est pas entretenue. Jusqu’à présent, beaucoup pensent que la musique ne peut plus valoir que l’image. C’est d’ailleurs un de mes combats, valoriser le travail des hommes et femmes du son.
Pour que là où un artiste est prêt à débourser 5 millions pour une vidéo, qu’il puisse en faire autant pour ceux qui lui ont permis d’avoir le support musical
Des projets en vue ?
Mon équipe et moi sommes actuellement en train de préparer la prochaine session de formation Stud’Dio Classroom Galsen Tour à Matam. Ce projet de décentraliser mes formations dans les régions est soutenu cette année par la Coopération Allemande et le Goethe-Institut Sénégal. Nous préparons également la deuxième édition de Music Mouv Sénégal, une plateforme qui regroupe les musiciens, compositeurs, beatmakers, techniciens de son, et Dj du Sénégal.
L’idée est de discuter des problématiques qui nous concernent et de trouver des solutions ensemble. Elle est prévue en Décembre 2023 inch’Allah.