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3e mandat de Mandat: L’alerte de Mamadou Ndoye

Ancien ministre de l’Education nationale, Mamadou Ndoye, membre de la Ld/ Debout et ancien Sg de la Ld (Ligue démocratique), a mis en garde Macky Sall, l’invitant à faire une prise de conscience face au 3e mandat. Il est revenu sur les Locales lors du Grand oral sur Rewmi fm. 

Entretien.

Quelle est votre appréciation sur le prix que vient de remporter Mouhamed Mbougar Sarr ?

Bien entendu, c’est une source de fierté, quand un des nôtres reçoit une distinction de ce niveau. Il a dû faire preuve de créativité et d’originalité. Ecrire, ce n’est pas facile, car on jette beaucoup de papiers pour en retenir très peu et il faut de la persévérance. Des gens ne sont pas allés jusqu’au bout. Il faut savoir quand on le lit ou on l’entend, c’est un penseur aussi au-delà du fait qu’il soit écrivain. Donc il faut s’en réjouir.

Au-delà de cette réjouissance, quelle leçon retenir de la nouvelle génération, avec cet essoufflement de la France-Afrique

Je crois que la première leçon pour cette jeunesse, c’est que la réussite est au bout de l’effort. C’est important, car les jeunes sont gagnés par la facilité. Un jeune montre qu’avec l’effort et l’intelligence, on peut arriver au sommet et c’est une leçon. L’autre à tirer, c’est que les Africains ne sont pas toujours à la place qu’on les met habituellement. Le récit européen sur l’Afrique est inférieur et négatif et produit une ontologie négative. Quand Mbougar, un Sénégalais est récompensé, cela montre que l’histoire que la colonisation a voulu faire des Africains n’a pas réussi. Des gens ont montré qu’ils sont d’égale dignité et de manière brillante. Cela doit être appris par les jeunes qui doivent se dire qu’ils sont fiers d’être africain. L’Africain a un potentiel. Il faut que les jeunes fassent éclater ce potentiel. Je ne sais pas la relation de la France Afrique que vous mettez en avant. Il faut pousser la réflexion un peu loin. C’est que la plupart d’entre nous, dont des intellectuels, ont intériorisé cette ontologie négative et c’est une victoire de tous les racistes et les colonialistes. Et justement, c’est cette question qui est à l’ordre du jour. J’ai eu des idées claires. La question c’est comment on va rompre la dépendance. Au moment des indépendances, De Gaulle a réussi à conserver une dépendance en donnant l’indépendance. Macron est dans une autre perspective. Avant que l’explosion n’arrive, il faut faire comme si le problème était réglé.

Pensez-vous que le Mali est en train de prendre la bonne direction avec Assimi Goïta?

Je ne pense pas que cela soit une meilleure opportunité. La meilleure opportunité, c’est avec un gouvernement légitime et qui représente un peuple. C’est ce gouvernement qui peut le faire et accomplir la rupture et non un coup d’état.

Les Locales suscitent moult commentaires, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Les Locales sont des locales et doivent le rester. On essaie d’y greffer autre chose mais en vain. C’est-à-dire comment régler la dévolution des pouvoirs locaux et avec une gouvernance de proximité. Même si des gens tentent de lui donner un autre sens, il y aura un élément qui est objectif et c’est qu’à l’occasion de toute élection, on essaie de mesurer l’audience des partis politiques. C’est le cas aussi. Mais cela ne veut pas dire que cela va refléter fidèlement les prochaines élections. Dans les Locales, les personnalités locales, leur ancrage et leur relation avec les populations restent   énormes. Ce qui n’est pas le cas avec la présentielle. J’ai bien écouté le propos de Mahmout Saleh. Cela m’inspire deux réflexions. La première c’est qu’on peut interpeller ce qu’il a dit comme un appel au secours au niveau national. Une deuxième interprétation, c’est de dire que c’est ce qu’il a entendu. Si tel est le cas, nous sommes dans une perspective d’affrontement. En cas de rapport de force, nous allons nous battre pour imposer le 3ème mandat. Si nous n’avons pas de rapport de force favorable, cela ne sera pas possible. Il ne s’agit pas de bataille de légitimité.

Alors vous pensez que Macky peut tenter un 3ième mandat ?

Il est clair qu’il veut un 3ème mandat. Il veut un autre mandat. Alors une fois que nous sommes d’accord, c’est de savoir s’il pourra. Moi si j’étais son conseiller, je lui dirais clairement d’éviter une situation impossible qui va déboucher sur le cas Alpha Condé. L’autre hypothèse, c’est le cas de son ami de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara qui est dans une situation telle qu’Il a même peur d’une mouche qui vole. Il est sur le qui-vive ou celle de Blaise Compaoré. Tout cela prouve que c’est un mandat de trop

Quelle est votre lecture de ces cas de forclusions et de rejets tous azimuts des listes de l’opposition ?

Je ne connais pas les motifs et cela permettrait de savoir si c’est juste ou injuste. Il y a une chose qui montre un des problèmes de la démocratie, c’est que pour celui qui organise, aucune de ses listes n’est forclose.

Des mandataires disparaissent avec des listes, rendant impossible le dépôt. Un phénomène nouveau comme à Matam etc. Pourquoi ?

Apparemment, quand on voit des situations comme ça, on se pose des questions sur les infiltrations. S’il est responsabilisé, il peut paralyser le fonctionnement de la coalition. Car la question de la fidélité est importante. Seul un infiltré a ce genre de comportement. Aujourd’hui, il y a beaucoup de partis pas très implantés dans les localités. Ils ramassent ce qu’ils peuvent dans certaines localités. Donc pas le temps de savoir si celui ou celle qu’ils prennent est dans une attitude ou valeur qui soit compatible avec leur éthique.

La dislocation aussi est un problème avec des listes parallèles. A quoi s’attendre avec cette opposition ? 

La question que l’on peut se poser c’est avons-nous des partis d’opposition ou des conglomérations d’intérêt individuel. Même s’il y a des noyaux de partis, il y a un ensemble de personnalités et c’est difficile de tout maîtriser.  La plupart des gens qui viennent se positionner sur les listes, dès qu’ils voient que ça ne marche pas, ils courent vers une autre liste. Ce qui est dramatique, c’est qu’il n’y a plus de projet collectif. Il n’y en a pas. Le projet collectif est submergé par les intérêts individuels. On ne le voit plus. C’est la même chose partout. C’est aussi difficile de dire que les choses peuvent basculer, car vous ne trouverez pas une seule localité où les gens n’ont pas de problèmes. Que cela soit dans l’opposition comme dans le camp du pouvoir. Donc c’est difficile car tout est divisé et il est impossible de faire des prévisions. De manière globale, le pouvoir a plus la possibilité de serrer les rangs avec des gens qui ont des postes mais qui risquent de les perdre, s’ils ne suivent pas la discipline. Pour l’opposition, cette possibilité d’unifier n’existe pas. Il y aura plus de dislocation dans l’opposition que dans le camp du pouvoir. Mais de manière générale, pour abattre un pouvoir, il faut l’unité de l’opposition.

Par rapport à ce manque d’éthique, avec l’absence de formation, quel sera l’avenir de la politique au Sénégal ?

Il faut un processus long, car les partis politiques au Sénégal sont souvent critiqués pour la gestion de la chose publique. Ce n’est pas seulement les partis au pouvoir, puisqu’à chaque fois que l’opposition détient le pouvoir, on n’a pas senti un changement du point de vue de l’éthique politique. L’opinion a disqualifié les partis du point de vue d’une gouvernance vertueuse. Ce qui crée un vide. On a vu aux USA, avec Donald  Trump, parce qu’ avec l’absence de débats, de projets politiques, il n’y a que des spectacles de projets individuels relayés par les médias. Plus on va dans l’outrance, plus on a des résonances avec le cas Zemmour. Il y aura une recomposition avec d’autres forces, mais nous sommes dans une tradition dangereuse. D’où le temps des monstres. L’affaiblissement amène des coups d’Etat et donc cela crée des situations de trouble qui profitent à l’armée.

Violences politiques à Ziguinchor, peut-on s’attendre au pire avec ces élections ?

Il appartient à l’Etat de ne laisser nulle part un endroit sans droit. C’est sa responsabilité. Il doit être présent pour assurer  la sécurité des populations et lutter contre la violence. Quand l’État laisse impunie la violence, il l’encourage et on attend sa réaction. S’il n’y a plus de projet politique et de confrontation et discussion démocratique, comment gagne-t-on les élections, si l’Etat  disparaît ? La démocratie ne sera pas là car c’est la confiance. Quand elle quitte le pouvoir, ce sont les rapport de forces ?

Vous êtes enseignant, les jeunes sont dans les partis politiques. Et cette nouvelle tendance de verser dans la violence verbale…

Quand les repères disparaissent et le référentiel éthique qui éduquait les jeunes s’affaiblit, dont l’école qui n’est plus à même de travailler sur les  valeurs et les comportements et se contente de transmettre le savoir, nous serons dans des situations où les jeunes semblent être perdus. Le comportement des adultes les incitent à la violence, car ni la valeur, ni la réflexion, rien ne joue son rôle.  Ce qu’il faut ce sont les rapports de forces.

Vous avez été ministre de l’Education ? Faut-il des réformes ?

On a conçu beaucoup de réformes. L’un des problèmes du pays c’est que nous n’arrivons pas à les mettre en œuvre. Manque de volonté de politique certainement, car une réforme demande un engagement politique fort. Il faut aussi des arbitrages politiques et budgétaires qui montrent qu’on est déterminé à y aller à fond. Mais d’autres relèvent du souhaitable que du faisable et cela a freiné les réformes engagées.

Beaucoup indexent les grèves répétitives des enseignants. Que faut-il faire à ce niveau pour un bon système éducatif ?

Les questions sociales qui intéressent les enseignants sont importantes, le gouvernement prend des engagements qu’il ne peut respecter. Cela ouvre la porte à des grèves répétitives. La question de l’éducation dans ce pays, c’est qu’il faut reconnaître que cette école n’est pas la nôtre. C’est une école imposée par la colonisation avec une mission précise pour capter une élite locale, la former, la mettre à son service. La dépendance se forge à l’école aussi. Quand vous regardez ce que nous enseignons, il est prouvé que ces enfants auraient eu une grande réussite, s’ils commençaient par les langues nationales. Il y a toutes les preuves scientifiques dans tous les pays africains. Quel est le pays africain qui a pris l’initiative de le faire. Comment un enfant peut apprendre les maths sans le français. Il y a une crise.

Barthélémy Dias convoqué au tribunal, d’aucuns parlent de moyens non conventionnels qu’utilise l’état ? 

Malheureusement, ces coïncidences sont là. Mais bon, les Locales auront lieu et que personne n’accepte qu’elles soient repoussées. Il faut que les populations refusent la prorogation des mandats des élus. Sinon on va détourner la démocratie. Le mandat des élus locaux a été prorogé, mais cela ne doit pas avoir lieu ?

Faut-il diminuer le mandat des maires ?

Il y a des maires qui sont maires de leur ville chaque deux week-end. Cela devrait inciter des lois. Des gens sont élus à ne rien faire.

MOMAR CISSE


 

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