Actuellement, 299 Sénégalais sont détenus dans les geôles marocaines, parmi lesquels 38 expriment le souhait d’être transférés au Sénégal pour y purger leur peine. Ces détenus, dont 10 condamnés à des peines allant de 3 à 25 ans, pourraient prochainement voir leurs requêtes examinées dans le cadre d’une coopération bilatérale.
Depuis le 17 décembre 2004, le Sénégal et le Maroc avaient conclu un accord permettant aux détenus sénégalais condamnés au Maroc de purger leur peine dans leur pays d’origine. Toutefois, si le Maroc a rapidement ratifié cette convention, le Sénégal ne l’avait pas encore officialisée. L’Assemblée nationale sénégalaise s’apprête à examiner, ce mardi 11 mars 2025, un accord pour de nombreux Sénégalais détenus au Maroc. Il s’agit de la « Convention sur l’assistance aux personnes détenues et le transfèrement des personnes condamnées », signée en 2004 entre Dakar et Rabat.
L’adoption en plénière de la Convention entre le Maroc et le Sénégal, portant sur « l’assistance aux détenus » marquera une avancée majeure pour la coopération judiciaire entre les deux pays et une meilleure prise en charge des ressortissants sénégalais incarcérés au Maroc. Depuis plusieurs années, le Maroc constitue une étape clé pour les migrants subsahariens cherchant à rejoindre l’Europe. Parmi eux, de nombreux citoyens du pays de la Teranga se retrouvent en situation irrégulière et sont interpellés par les autorités marocaines.
Aujourd’hui, on estime à « 299 » le nombre de détenus sénégalais répartis dans différentes prisons marocaines, avec des condamnations liées principalement à « l’immigration clandestine, à la drogue, à la fraude ou à d’autres infractions. » Ces détenus font partie de la communauté sénégalaise au Maroc, estimée à environ 200 000 personnes, principalement installées dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Fès, et Marrakech. Ce projet de transfert pourrait offrir un soutien crucial à ceux qui souhaitent se rapprocher de leur terre natale.
Conscient de cette réalité, l’État sénégalais veut offrir une solution à ses ressortissants en facilitant leur transfèrement au Sénégal, où ils pourront purger leur peine dans un environnement plus familier, facilitant ainsi leur réinsertion sociale.
Les enjeux de la convention
La convention qui sera examinée par l’Assemblée nationale prévoit un cadre juridique clair pour l’assistance consulaire aux détenus, le transfèrement des condamnés et l’exécution des peines. Elle définit notamment les conditions du transfèrement qui peut être demandé par le détenu, l’État de condamnation ou l’État d’exécution, la prise en charge des frais, qui reviendra en grande partie à l’État sénégalais, sauf décision contraire entre les deux parties et les modalités de l’escorte et du suivi des condamnés après leur rapatriement. Déjà adopté par la Commission des Affaires étrangères le 3 mars dernier, le texte devra être validé en séance plénière avant d’être ratifié par le président de la République et publié au Journal officiel.
Cette convention s’inscrit dans une coopération plus large entre le Sénégal et le Maroc, qui entretiennent des « relations diplomatiques solides depuis les années 1960. » Outre les accords en matière judiciaire, les deux pays collaborent dans plusieurs domaines, notamment l’économie, la sécurité, l’éducation et les infrastructures.
L’adoption de cet accord permettra non seulement d’améliorer le sort des détenus sénégalais au Maroc, mais aussi de « renforcer la position du Sénégal en tant qu’acteur clé de la coopération judiciaire en Afrique. » Un enjeu majeur pour la protection des droits de ses citoyens à l’étranger.
Fatou Diop Cissé, députée et présidente de la commission des Affaires étrangères, invitée de l’émission Salam Sénégal sur Radio Sénégal , avait expliqué le sens de cette ratification de la convention signée en 2004 entre le Sénégal et le Maroc, visant le transfèrement des détenus sénégalais incarcérés au Maroc. Fatou Diop Cissé justifie cette ratification tardive par le contexte migratoire actuel. « Avec la migration irrégulière qui prend de l’ampleur en 2025, de nombreux jeunes Sénégalais se retrouvent en détention, notamment au Maroc. Il est temps que le Sénégal prenne ses responsabilités en facilitant leur retour pour qu’ils purgent leurs peines dans leur pays », a-t-elle expliqué. Elle rappelle également l’engagement du Premier ministre Ousmane Sonko : « Partout où se trouve un compatriote sénégalais, nous devons leur apporter assistance, voire les rapatrier si nécessaire. »
Interrogée sur la raison de cette ratification tardive, la députée estime que les gouvernements précédents n’en avaient pas fait une priorité. « Peut-être que pour l’ancien régime, ce n’était pas une urgence. Mais aujourd’hui, beaucoup de nos compatriotes sont dans des situations difficiles à l’étranger et sollicitent l’aide de l’État », souligne-t-elle.
Macky Sall n’est pas concernée
Fatou Diop Cissé tient à préciser que cette convention ne concerne en aucun cas l’extradition des Sénégalais condamnés dans leur pays mais vivant au Maroc. « Il s’agit uniquement des compatriotes condamnés définitivement par la justice marocaine et dont les familles ou l’État du Sénégal souhaitent qu’ils purgent leurs peines au Sénégal. Ce n’est pas un mécanisme pour juger ici un Sénégalais condamné au Maroc », détaille-t-elle.
Face aux spéculations selon lesquelles cette ratification serait liée à la présence de l’ancien président Macky Sall au Maroc, Fatou Diop Cissé réfute toute corrélation. « C’est une simple coïncidence. Cette convention n’a rien à voir avec l’ancien président. Elle vise uniquement nos compatriotes condamnés définitivement au Maroc », clarifie-t-elle.